Fin mai, la Chine a lancé le premier vol commercial du C919, le premier avion civil produit localement. Lors d'un événement symbolique, l'avion a décollé de l'aéroport international de Shanghai Hongqiao et a atterri à Pékin, marquant une étape importante pour la Commercial Aviation Corp of China (COMAC).

Il s'agit d'une mesure prise par la Chine pour éliminer le monopole des avions Boeing 737 fabriqués par Boeing (États-Unis) et Airbus A320 par Airbus (Europe). Selon Reuters, le C919 desservira dans un premier temps le marché intérieur chinois et ciblera les pays asiatiques potentiels.

Dans un article paru dans The Interpreter , M. Kazimier Lim, consultant australien en politique publique, a déclaré que l'importance du lancement du C919 par la Chine va au-delà des aspects économiques. Selon lui, le C919 est le dernier outil de la politique étrangère chinoise, tout comme l'avion Douglas DC-3 a révolutionné la diplomatie aérienne de l'ancien président américain Franklin D. Roosevelt.

Diplomatie aérienne

Selon l’expert Lim, aucun avion n’a probablement eu autant d’influence sur la politique aéronautique internationale après la Seconde Guerre mondiale que le DC-3. Il s’agissait de l’un des premiers avions commerciaux destinés uniquement au transport de passagers. La longue portée et les sièges confortables ont permis au DC-3 de maximiser ses profits sans dépendre des voies navigables.

Roosevelt a déclaré à plusieurs reprises que le DC-3 était un outil précieux pour renforcer les relations étrangères de l'Amérique. Lors de ses voyages à l'étranger, en plus d'utiliser le C-54 Skymaster présidentiel, M. Roosevelt a également emmené avec lui un escadron de DC-3 comme symbole pour aider à accroître le prestige de l'Amérique.

L’ancien président Roosevelt a également fait don d’avions DC-3 à des pays d’importance stratégique. Le plus remarquable fut le cadeau du roi Abdul Aziz d'Arabie saoudite, symbole de diplomatie et d'amitié après la rencontre historique de Roosevelt avec le roi le long du canal de Suez le 14 février 1945.

Six ans plus tard, les deux pays ont signé le Traité d’assistance mutuelle en matière de défense, un pacte de défense formel qui a cimenté la relation bilatérale. Le DC-3 a également joué un rôle déterminant dans la création de Saudia, la compagnie aérienne nationale de l'Arabie saoudite.

L'avion chinois C919 présente un potentiel similaire pour la politique étrangère du président Xi Jinping. Il revêt une valeur symbolique pour l’incursion de la Chine dans la politique des grandes puissances dans le secteur de l’aviation internationale. Grâce à cela, Pékin peut tirer parti du C919 pour renforcer ses relations diplomatiques et promouvoir son influence politique à l’échelle mondiale.

Renforcer les relations avec la Russie, l'Iran et la Corée du Nord

Actuellement, seules les compagnies aériennes chinoises nationales ont commandé le C919 pour effectuer des vols intérieurs courts, selon le South China Morning Post. Par conséquent, pour promouvoir l'image de l'avion en tant que percée technologique et symbole de la Chine, le C919 doit atteindre les marchés extérieurs.

Pour y parvenir, selon l'expert Lim, le gouvernement de M. Xi doit cibler deux groupes de clients spécifiques pour renforcer son influence diplomatique.

Le premier groupe comprend les partenaires de la Chine confrontés à des sanctions internationales, notamment la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. En réponse à la campagne militaire russe en Ukraine, l'Occident a sanctionné l'industrie aéronautique civile de Moscou, imposé des zones d'exclusion aérienne et saisi des avions.

Pendant ce temps, le secteur de l’aviation commerciale iranien a été durement touché par des années de conflit, des infrastructures médiocres, la négligence et le sous-investissement. Les sanctions internationales ont rendu presque impossible l’achat de pièces d’avion. La Corée du Nord est également confrontée à des problèmes similaires.

Par conséquent, les trois pays que sont l'Iran, la Russie et la Corée du Nord sont considérés comme des marchés potentiels, qui peuvent offrir de nombreuses opportunités pour le C919, contribuant ainsi à renforcer l'influence de la Chine à l'échelle internationale.

Renforcer la coopération avec les pays en développement

Le deuxième groupe comprend les pays émergents sur la scène internationale que Pékin souhaite intégrer dans sa sphère d’influence. TransNusa, une compagnie aérienne indonésienne, avait précédemment acheté des petits jets chinois ARJ21, selon un rapport de Flightradar24 .

D’autres transporteurs indonésiens, dont la compagnie nationale Garuda Indonesia, ont également montré des signes d’investissement dans la technologie aéronautique chinoise. En outre, les puissances émergentes comme l’Inde, qui fabriquent des pièces d’avion, pourraient s’éloigner de la technologie occidentale pour promouvoir les avions fabriqués en Asie et destinés aux Asiatiques.

Le Kenya et l’Éthiopie ont également accepté les investissements de Pékin dans les infrastructures ferroviaires et sont ouverts à la technologie aéronautique chinoise.

Cependant, le C919 et la Chine doivent travailler très dur s’ils veulent briser le monopole de Boeing et d’Airbus. Selon The Interpreter , Pékin doit répondre aux problèmes de confiance des clients, notamment aux préoccupations concernant la sécurité, la fiabilité et les performances, tout en s'assurant que ses prix peuvent concurrencer ceux des avions de fabrication occidentale.